DAVID SHAW AND THE BEAT
Love Songs With a Kick Vol. one
Né à Manchester, parisien pendant de nombreuses années et désormais installé à Bruxelles, le musicien et producteur est rarement là où on l’attend. D’abord membre de Blackstrobe aux côtés d’Arnaud Rebotini et Ivan Smagghe, il prend son indépendance avec le premier album de David Shaw and The Beat, So It Goes, manifeste personnel d’une techno vocale teintée de new wave. Avec l’album Jenks de son projet DBFC, et la longue tournée qui suit, il confirme son envie d’exploser les chapelles et de jouer une musique urgente qui n’appartient qu’à lui. Un pied dans l’électricité punk, et un autre dans l’hédonisme club (il a aussi collaboré avec Jennifer Cardini, Vitalic et produit quelques maxis sous l’alias Siskid), Shaw écrit aujourd’hui une nouvelle page avec cet EP. Il porte toujours en lui le choc initial de la découverte des premières raves à l’adolescence en Angleterre et ce besoin quasi jusqu’au-boutiste de créer un espace de liberté qui s’exprime dans une écriture qui emprunte à d’autres contre cultures (punk ou garage). David Shaw and The Beat reste fidèle à lui même mais pousse dans le rouge sa démarche créative.
Autant pacte avec le diable que lutte avec soi même, ce nouveau disque expulse une violence libératrice. En prenant pour trame une relation passionnelle et sans retour, Shaw renoue avec panache avec une certaine tradition de la musique sans fard, qui embarque l’auditeur au plus près de son ressenti. Sans filtres, sans maquillage, comme une façon de nager à contre courant d’une époque qui porte la bienséance en bandoulière de la réussite commerciale. C’est par son talent d’écriture pop et son immédiateté mélodique que le musicien remporte l’adhésion. Ses refrains sonnent comme des slogans. Tantôt fédérateurs, tantôt vicelards, ils incarnent à merveille les ascenseurs émotionnels et sentimentaux qui ont inspiré la création de son disque. Love Songs With a Kick Vol. One, un titre qui résonne comme un manifeste d’une certaine approche du songwriting débauché par une musique club sauvage et assoiffée de saleté.
Quelques ombres bienveillantes planent sur ces morceaux de synth pop glamour joués par l’un des derniers punks de la scène techno française. On pensera ici et là à Marc Bolan, David Bowie, Lou Reed, Chris & Cosey, membres idéaux d’une famille musicale dysfonctionnelle qui fait désormais partie de l’ADN de David Shaw, dont la vision hors norme rejoint celle de ses glorieux aînés.
En 2019, David Shaw fait sienne la devise “Music is not for everyone” chanté par Ian Svenonius, outsider roi du rock US. La musique n’est pas un hobby et encore moins un espace publicitaire à vendre. Elle reste pour certains la chose la plus importante au monde, une expression vitale et définitive de nos troubles, nos failles et nos particularismes. Love Songs With a Kick Vol. One est un coup de boule porté aux conventions et aux plans de carrière, un journal intime amoureux aussi rêche qu’un coup de fouet et aussi cathartique qu’une bonne cuite dont les mots restent en tête, même passée l’ivresse.