O'O
Songs of wishes and bones
Nouvel album de O'o, Songs of wishes and bones sortie le 18 octobre 2024 chez inFiné
Le deuxième album de O’o, Songs of Wishes and Bones, dont voici le premier chapitre, a été posé et enregistré à Mézin, un petit village pittoresque et tranquille, situé dans le Sud-Ouest de la France, au cœur de la Gascogne. Une église médiévale, une place ombragée, des cornières, avec la Gélise qui coule en contrebas, et, juste après le pont, on arrive à l’orée de la grande forêt. Dans ses sous-bois, parmi les feuillages au bord d’un lac, la vie grouille, un monde parallèle se révèle, dans lequel vivent de petites bestioles, et de plus grosses… Victoria et Mathieu sont revenus sur les terres où ils ont grandi, et ce retour à leurs racines a été source d’inspiration pour un grand nombre de leurs morceaux.
«Nous avons quitté Barcelone pour aller vivre à la campagne au milieu de nulle part, et nous avons enregistré cet album en étant très isolés», explique Victoria. «Nous avons vécu ensemble pendant près d’un an dans une maison familiale à la campagne et entourés de nature. Une sorte de retraite qui a été inspirante et propice au travail. L’album aurait eu une couleur différente si nous étions allés nous installer à Paris ou dans une grande ville, ce qui aurait peut-être été un choix plus évident. «Au lieu de ça», continue Mathieu, «nous nous sommes retrouvés à l’opposé de l’ambiance urbaine de Barcelone, dans un environnement rural, entourés de forêts de pins».
‘Barcelona’ est d’ailleurs le titre qui ferme ce premier chapitre. C’est un hommage en forme d’adieu déchirant pour la ville où Victoria et Mathieu ont vécu pendant plus d’une décennie. La chanson est empreinte d’une mélancolie manifeste mais revendiquée, elle parle à toute personne qui éprouverait de la nostalgie pour un endroit.
Les décors influencent les paysages sonores que crée Mathieu et qui sont en dialogue direct, presque symbiotique, avec la voix de Victoria. Le duo raconte des histoires émouvantes, parfois méchamment drôles, comme de petites fables dans lesquelles la nature, les animaux, les choses revêtent des attributs humains et nous disent quelque chose de la vie. Le titre énigmatique de l’album, «Songs Of Wishes And Bones», suggère d’emblée une dualité plurielle et un jeu sur les contrastes, ce qui au fur et à mesure de l’écoute des morceaux se confirme. Il est question de vie et de mort, de nature et d’artifice, du passé et du présent, de lumière et d’obscurité : le titre ‘Le Jour et la Nuit’ en atteste. L’humour est aussi présent, souvent sous une forme décalée, voire noire. De l’espièglerie également comme dans ‘L’E dans L’O’, à travers d’astucieux jeux de mots dans la veine de Gainsbourg. Le plus souvent la gaité est de surface, le ton enjoué occulte le sens sombre des paroles.
Un humour grinçant qui s’illustre dès l’ouverture dans ‘Scorpion’. Une chanson inspirée d’expérience vécue ; ils ont partagé leur maison avec plusieurs spécimens du genre ! Dans leur histoire, l’animal se mue en un prédateur carnivore amateur de chair fraîche et qui déguise ses mauvaises intentions. «Non, je n’ai pas peur des hommes», s’amuse Victoria, «J’ai simplement un certain goût pour les histoires sombres, inquiétantes et dérangeantes.»
Il y a ce même phénomène de personnification et ce même sens de la parodie dans ‘Tako-Tsubo’. C’est un terme japonais qui se traduit par «piège à pieuvre» et qui en raison de sa forme a donné son nom à un syndrome cardiaque, dit « du cœur brisé ». Victoria explique
:» C’est littéralement l’histoire d’une pieuvre au coeur brisé qui se fait capturer. C’est un conte de fées cruel où la prisonnière est condamnée et subira un sort terrible avant d’être mangée... mais heureusement, juste avant d’être découpée en morceaux, elle est l’objet du syndrome et meurt donc sans douleur d’un arrêt cardiaque. » Mathieu, quant à lui, crée une mise en scène musicale digne du Yellow Magic Orchestra. On a parfois l’impression d’une comptine enfantine qui part en vrille.
Et puis il y a la tempête ‘L’Orage’, qui débute sur des métaphores électriques, la pulsation de l’électronique est alors interrompue par d’inattendus passages piano-voix, et ce faisant traverse une sorte de portail temporel et se court-circuite. «Je pense que cette chanson est probablement la plus personnelle», admet-elle. Les gens qui me connaissent diront que ça sent le vécu. Il s’agit ici de l’instabilité, et plus particulièrement dans les relations amoureuses. On a pensé que ce serait amusant de faire une chanson vraiment théâtrale qui illustrerait ça. En plus, on adore les orages…». La chanson la plus triste et la plus classiquement belle de toutes est peut-être ‘Les os du lac’, avec une mélodie délicate et une voix qui scintille à l’image de ces os dont on parle et qui flottent entre deux eaux. Un mystère plane sur leur origine : y a-t-il eu meurtre ? Ou un suicide ? «J’ai essayé de la rendre plus poétique que macabre avec ces jolies images d’os qui remontent à la surface,» dit Victoria.
Si ce morceau est intime et émouvant, son pathos est contrebalancé par d’autres compositions de Mathieu, pleines d’une énergie et d’une vitalité très communicatives. Un morceau presque interactif et truffés de sous-entendus comme ‘How do you… ?’ en est un bon exemple.
«Songs Of Wishes And Bones» n’est donc pas dénué d’optimisme. O’o explore là un terrain relativement nouveau, avec des morceaux dansants qui font autant bouger que ressentir et réfléchir, citons par exemple l’euphorisant ‘Delay’ et l’entraînant ‘Arena’. Dans ces morceaux, O’o se lance à corps perdu dans la pop, mais une pop qui leur est propre.
Si leur EP «Spells» de 2018 avait un pied dans l’avant-garde électronique, six ans plus tard, ils ont quitté la galerie pour se diriger vers le dancefloor. En fait le terme «pop» n’a jamais été un gros mot dans le lexique de O’o, ils pensaient simplement, que ce n’était pas vraiment fait pour eux. Le premier album de 2022, «Touche», laissait pourtant déjà présager cette direction.
Si ce nouvel album peut sembler plus accessible, il n’en demeure pas moins ambitieux et réserve des contrastes surprenants avec parfois une touche psychédélique pastoral. Combiner souhaits et regrets, lyrisme et groove dans un univers sonore kaléidoscopique tient du challenge, et dans «Songs Of Wishes And Bones», O’o nous entraine dans une joyeuse danse macabre défiant avec légèreté tous les poids qui pèsent sur le monde.