Zëro
Never Ending Rodeo
Noir profond, lueurs fantomatiques d’une vieille voiture qui se fond dans l’asphalte : la pochette de Never Ending Rodeo donne le ton. Ce n’est pas une simple virée nocturne, mais un dérapage contrôlé à travers les frontières du Post-Rock, de la Noise, et du Psyché. Le moteur est chaud, le sol tremble, les lignes blanches se brouillent. Six ans après la sortie de Ain’t That Mayhem, le groupe lyonnais revient avec un disque dense et embrumé. Never Ending Rodeo : un titre faussement fun, presque cartoon pour un album aussi intense. Comme si, à force de tourner autour de la poussière, des ruades et des cavalcades, Zëro avait fini par tracer sa propre orbite. Instable, forcément. Mais magnétique.
Éric Aldéa (guitare, voix), Franck Laurino (drums), Ivan Chiossone (persephone, synthés), et désormais Varou Jan (guitare, basse) — (Le Peuple de l’Herbe, Condense) — n’ont rien perdu de leur tranchant. Mieux encore : ce nouvel album marque un tournant en termes de qualité de production, grâce notamment au travail de mixage de Niko Matagrin. Le son est plus large, plus habité. Chaque coup de caisse claire, chaque nappe de synthé trouve sa place dans un espace sculpté au millimètre.
Zëro n’a jamais été un groupe «de genre». Noise ? Post-Rock ? Post-Punk ? Peu importe. Leur musique avance par secousses, par tensions. Ce qui compte, c’est le mouvement, c’est ce glissement progressif vers un état où l’on ne distingue plus le son du silence, le rêve de la réalité. Chaque morceau pourrait exploser. Aucun ne le fait véritablement. C’est ce qui rend l’écoute aussi physique et hypnotique. Et puis, il y a cette impression tenace que ce disque pourrait durer toujours, qu’on pourrait rester là, toute la nuit au bord de cette route. Les amplis saturent doucement, les cymbales crissent encore un peu. Tout est dit, mais rien n’est clos. Un rodéo sans fin, donc. Mais pas une boucle : une spirale. Une lente descente vers quelque chose d’inconnu, d’étrangement familier, qu’on pourrait appeler… Zëro.