JESSICA93
666 Tours de Periph
Jessica93 chez Born Bad, ça va mal finir en beauté, on le sait, mais restons calmes. Geoffroy Laporte, à nouveau seul contre tous, joue solo perché sur une boite à rythmes aux patterns d’avant-guerre du Golfe. Il alterne basse et guitare pour construire des boucles âpres et saturées, sur lesquelles il gueule doucement. C’est là que ça se corse : chaque clan le veut parmi les siens. Grunge, y’a comme un parfum oui, mais Jessica est pas nécrophage. Punk, certes, mais on parle plus de circuit de diffusion que d’identité. Cold wave, question d’ambiance, mais il a ni le matos ni le sérieux.
La horde rock, sûre d’elle, l’a entendu chanter les cheveux dans les yeux, et vu jouer de la gratte plutôt que de la guitare…mais il a pas pris sa carte au Parti. Le Metal avait un truc à dire mais personne l’a écouté, à tort. Peut-être est-il temps de lui foutre la paix stylistique des braves, et d’apprécier que Jessica93 a érigé en musique de confort sa recette très personnelle du bouillon de seum. Pour qui l’a vu en concert, on tremble en pensant qu’il se lève le lendemain, et qu’il conduira 300 bornes pour recommencer une sieste plus tard, alors qu’on met une semaine à se remettre de la moitié de la même soirée. Comme tant d’autres soldats inconnus au bataillon de la musique, confinés en banlieue d’eux-mêmes.
Pas un hasard si il s’est tatoué un 93 sur le blase, comme l’Underground a tenu à être de Villejuif, comme Noir Boy George était messin plutôt que français, ou Usé d’Amiens plutôt que de bon poil. Au coeur de ce pentacle culturel peint que les Bryan’s Magic Tears et Carine Krinator complètent, Jessica93 a construit un son validé par des années d’errance choisie, du RMI au RSA, des squats à la Station, multipliant les groupes aux noms joyeusement débiles, dans la jungle humide des petits labels.
On ne vous en voudra pas si vous n’aviez pas remarqué, mais Geoffroy Laporte chantait déjà parfois en français. Arthur Satàn, qui a produit et mixé chez lui, à Bordeaux, a achevé de lui sortir la tête de la reverb. Et Jessica93 en a profité pour basculer du côté obscur de la langue : ça valait le coup d’attendre, on va enfin pouvoir chanter en choeur "nique sa mère / nique sa grosse mère" .