EGGS
Crafted Achievement
Nouvel album de EggS, Crafted Achievement sortie le 1er novembre 2024 chez Howlin Banana Records
Hier, ou plutôt la première fois qu’on a vu cette joyeuse troupe sur scène – c’était en septembre 2018, pour la première partie des Goon Sax au Point Ephémère, concert qui a d’ailleurs failli être leur dernier –, ils étaient… quatre. Oui, difficile à croire. Parce qu’aujourd’hui, les EggS sont sept, huit, neuf, dix, peut-être même encore plus, on ne le sait plus trop. Peut-être même qu’un jour, ils oseront faire un concert à trente, s’ils trouvent une scène suffisamment grande – pour ce qui est des copains, ce sera bien plus facile.
Parce que cette autoproclamée fanfare pop née dans l’esprit de Charles Daneau est, aujourd’hui plus que jamais, un formidable rassemblement de ce que la scène outsider pop parisienne a pu produire comme projets marquants. Regardez-donc. Outre Charles (guitare/chant), mais aussi Grégoire Bayart (guitare), issus de Joujou Jaguar – du proto-EggS, dixit les intéressés –, on retrouve dans la formation « originelle » Manolo Freitas (basse), formerly in Deaf Parade, ainsi que Léo Deville (claviers). Ils seront très vite rejoints par Margaux Bouchaudon (choeurs) et Camille Fréchou (saxophone / trompette), aux commandes d’En Attendant Ana, Erica Ashleson (choeurs / guitare), moitié de Special Friend, Rémi Studer (batterie), derrière la guitare dans Betty, ainsi que les deux derniers arrivés, Cyprien Vandenbussche (saxophone) et Côme Ranjard (lap steel). On a bien recompté, on est bien à dix – dix musiciens qui figurent sur les crédits de ce Crafted Achievement qui sublime le booze rock de la formation qui a ses quartiers du côté du Ventre de la Baleine, labyrinthe-studio à Pantin.
« J’ai envie de sortir une connerie, genre que ce serait le disque de la maturité », lance Charles quand on lui demande en quoi ce Crafted Achievement est différent d’A Glitter Year (04/11/2022), premier album d’un groupe qui ne croyait pas, ne croyait plus, en ce format, et qui s’apprête à sortir son deuxième. « Mais quand même, c’est une version améliorée de ce qu’on faisait avant, qui était une version améliorée de ce qu’on faisait avant. Une « version améliorée » dont le principal argument, la principale évolution, selon les dires de Charles et Léo, tient en un mot : arrangements. Des arrangements qui laissent chaque instrument, du lap steel à la trompette, en passant par ces guitares toujours solairement jangly et pluvieusement mélancoliques, ou à ces synthés aussi enfantins quedes coquillettes au fromage prendre la lumière de façon équitable. Contrairement à A Glitter Year, dont l’ajout de saxophones et de choeurs tenaient presque de l’idée de dernière minute, chacune des huit pistes de Crafted Achievement a été réfléchie de manière à positionner chaque instrumentiste dans les meilleures conditions, seule manière de les avoir à leur paroxysme, et donc à donner naissance à un album voyant EggS à son zénith.
Mis en boîte au Studio Claudio, enregistré par Alexis Fugain (Biche), puis mixé et masterisé par Guillaume Siracusa (Special Friend) – là encore, les copains –, Crafted Achievements montre l’étendue des influences de EggS, majoritairement situées du côté de l’indie américaine et toute la clique de K Records, mais aussi de la Nouvelle-Zélande en plein âge d’or Flying Nun Records. On retrouve aussi la fascination récente du noyau dur du groupe pour Wednesday, avec ce lap steel mi cow-boy mi surfeur qu’on entend ça et là, notamment sur Head In Flames ou Stumbling. Angry Silence ou Head In Flames montrent Charles au sommet du spleen Montreuillois, quand At The End Of The World et le duo The Maze I et II nous donnent envie de partir à l’aventure et que High Waisted Jeans, Bob Stinson’s Song et Stumbling pourraient faire un excellent générique à un remake fauché du Breakfast Club – tourné entre copains, entre deux barbecues et avec la caméra d’un pote croisé en concert. L’esprit Buddy, quoi.