GLIZ
Cydalima
Ivrey, dans le Jura. Un village d’une soixantaine d’âmes au fond d’une gorge, au milieu des montagnes où poussent des forêts sombres, des vaches et un vin jaune qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Quand on est honnête avec soi-même et respectueux de son environnement, on ne peut pas jouer du rock à Ivrey comme on le ferait à New York, Paris ou Londres. On joue avec les climats, l’air pur, la lumière, la terre humide. On joue avec le feu, les papillons de nuit, la rudesse et la solitude. On joue avec ce qu’on a sous la main, sous les pieds,dans le coeur et les tripes. On peut y vivre entouré de moutons, mais vouloir s’échapper du troupeau et hurler comme un loup. Ça, c’est pour Florent Tissot, le chanteur banjoïste de Gliz, qui habite à Ivrey.
Un jour, une poignée d’années avant Gliz, Florent en a eu assez de jouer de la guitare. Quand une corde a cassé, puis deux, il ne les a pas retenues, ni remplacées. Puis à force de jouer avec quatre cordes, comme sur un banjo, il a acheté celui qui lui faisait de l’oeil sur une brocante. Et n’a plus jamais joué de guitare depuis. Quand, en 2013, Florent a eu envie de monter un groupe, il a appelé un ami d’enfance (Julien Michel) à la batterie et un joueur de tuba (Thomas Sabarly) pour faire la basse. Puis ils ont trouvé un nom qui ne veut rien dire, Gliz. Et ont commencé à se rôder, à s’alchimer, en jouant sans amplification des musiques que d’autres avaient jalonnées avant eux. Mais jamais toutes en même temps. Et jamais comme eux. Passé à l’électricité (Florent est allé rechercher ses pédales d’effets au grenier, et ils en ont même mis sur le tuba), Gliz s’auto-définit comme un power-trio. Banjo-tuba-batterie. Et même un powertriangle, dont les trois côtés défient les lois de la géométrie, en reliant heavy-blues progressif façon Led Zep, lyrisme pop à la Radiohead et errances country-gothiques comme chez 16 Horsepower. Le tout, rappelons-le, sans guitare ni basse.
Gliz est d’abord un son, arraché à la roche et jeté vers le ciel, écorché, vivant, rugueux et fougueux, sur lequel les étiquettes ne tiennent pas.
Gliz, c’est aussi la voix androgyne de Florent, chanteur exceptionnel de puissance et de vulnérabilité, qui transcende la noirceur. L’amour contrarié et la nature détraquée (ou inversement) sont les thèmes récurrents des chansons de Gliz, composées par Florent et arrangées en trio. Le cydalima qui donne son titre à l’album est un papillon invasif, aussi nommé pyrale du buis, qui depuis quelques années dévore les sous-bois du Jura et les transforme en paysage d’apocalypse. Une bestiole dangereuse et tragique, mais aussi très belle en essaims au moment de l’éclosion nocturne, comme on peut le voir dans le clip de Cydalima, tournée dans un champ avec un éclairage de chantier pour attirer les papillons. Cette vidéo fascinante a été réalisée sans trucage mais avec beaucoup de magie. C’est du Gliz.