On retiendra de 2020, outre quelques faits d'actualités peu ordinaires, l’apparition de Paradoxant dans le paysage musical bruxellois. Une échappée solitaire, celle d’Antoine Meersseman, bassiste du groupe BRNS, et un premier album saisissant, Earworm, faisant la part belle à la pop expérimentale et au post-punk hérités de Liars, Crack Cloud ou encore Suuns.
Ne nous fions pas trop aux apparences ici : Deux, qui marque en ce printemps le retour du projet, n’est pas à proprement parler une suite. Il y a un peu plus que cela, derrière les quatre ans qui le séparent de son prédécesseur, derrière son titre minimaliste et sa pochette énigmatique. Une période de pause voulue et nécessaire, qui aura vu BRNS quitter les planches et Antoine s’exfiltrer de la ville, élargir son CV en devenant berger dans les montagnes du Vercors. Un rythme de vie saisonnier, pour d'autres marges plus verdoyantes.
Là où Earworm avait été composé d’un bloc et presque autarciquement, Deux se veut avant tout un disque de jachère. Une collection de chansons mutantes et mutines, ne s’empêchant rien ou presque : rythmiques Jungle et vocoder (Abîmes), riffs post-punk et EBM (Jamais sans Personne), pop gothique et synthétique (Calypso). Un grand feu de joie stylistique, devant autant à Genesis P. Orridge, Mylène Farmer, Tuxedomoon ou Mira Calix ; où se croisent pêle-mêle solos de saxophone, batteries passées dans des amplis saturés, rires et flûtes à demi fausses comme autant d’instantanés, indispensables du collage final. L’écriture en français, autre nouveauté ici, prend acte de cette volonté de ne plus se glisser dans un anglais de forme et d’utiliser la langue native comme véritable outil poétique. Les paroles, nébuleuses, prennent appui sur les paysages vallonnés et ensoleillés de la Drôme, de ses rivières, prolongeant la vie montagnarde en aspiration poétique. On y croise ici et là sirènes, corps mystérieux, rêveries aquatiques, comme dans le très cinématographique L’Eau Qui Dort. Autant de choix forts jalonnant ce disque hors-cadre, à la croisée de la pop, de la musique expérimentale et de la chanson.
En moins de trente minutes, les neuf titres de Deux s’accomplissent, emprunts de liberté formelle & de paysages nouveaux. Plus qu'une suite, ce second album est un souffle, repoussant les marges de Paradoxant, faisant de cette entité un espace d’expérimentation musical, libre et pluriel. Quoi de plus beau alors, pour conclure, que les paroles exaltées de la dernière chanson du disque, Aubade :