MOSSAÏ MOSSAÏ
Fourrière
Fourrière, le deuxième album des tourangeaux.elles de Mossaï Mossaï, est un disque hors norme au sens premier du terme : irrégulier, en marge, mais pas déraisonnable pour autant. Où chaque intention, chaque choix semble exprimer l’unité singulière qui unit ses membres. Comme pour Faces, premier album sorti en 2023 sur Figures Libres Records, Marie, Jean-Loup, Tanguy et Philémon sont allé.es enregistrer ce nouvel opus dans la campagne vendômoise, en compagnie du producteur Baptiste Mésange (Rank-O, Jim Ballon…). Difficile, une fois de plus, de trouver significativement modèles et équivalences à cette musique aux marges de la noise, de la pop expérimentale et de la musique atmosphérique. Si l'on retrouve ces fuzz, compressions métalliques caractéristiques de leur musique, plus qu’avant, une place particulière est donnée aux atmosphères oniriques.
Comme les matières musicales qui l’auréolent, le langage, ici, ne transige pas ; poétique et politique, il se fait la trace d’un monde qui change et dont la beauté doit accompagner les révoltes. Les textes de Marie, tranchants, empoignent les douleurs de notre époque sans vergogne mais avec une vertigineuse sensibilité. Ils nous parlent de la douleur, des victimes et des monstres, de corps qui dansent ou qui fuient comme dans “La Comptine”, chanson dédiée aux victimes de transphobie. Mais aussi de courage, mot répété tel un mantra à la fin du bouleversant Interlude.
Par le choix de ses mots, ses formes instrumentales, la musique de Mossaï Mossaï se fait plus que jamais univers de contrastes. La radicalité sonore côtoie l’épure ; l’abstraction et l’expérimentation embrassent les rengaines et les mélodies répétitives, la poésie s’accomplit autant dans la douceur
récitative (La Comptine) que les scansions rugueuses (Fourrière). Tout se lie et crée, morceau après morceau, un folklore singulier, sauvage, aux mille visages. Branche-Oeil, apothéose noise, vient refermer dans une cavalcade lumineuse Fourrière et ses dix déclinaisons. Dix morceaux comme autant de lieux imaginaires où il conviendra de se perdre tout à fait, sans louvoyer, dans la matière brûlante qui les composent.