TRANSMISSION
Transmissions
Nouvel album “Transmissions” de TRANSMISSION sortie le 19 Août 2022 chez Figures Libres Records / L'Autre Distribution !
Créer de nouvelles formes, installations. La musique est un vecteur entre les peuples et les énergies. Transmission est de ce type de projet. De celui qui fait bouger les lignes, expérimente. Il est autant une aventure humaine que technologique ; un croisement de territoires, d'histoires, d'envies, de folies. A l'origine une expédition sur un postulat géographique : Orléans est jumelée avec La Nouvelle Orléans. D'une particularité patronymique, l'équipe de la scène de musiques actuelles l'Astrolabe imagine un pont entre les deux villes. Quoi de plus logique vis à vis de ce berceau musical où la musique y a sa propre appellation, entre structures rythmiques complexes et fanfares déchainées, se basant sur l'improvisation pour emmener le son vers d'autres contrées. Ces échappées nourries à la liberté, nos acteurs culturels Français l'ont retrouvé là-bas avec New Orleans Airlift et leur Music Box Village. Un ensemble cosmopolite d'installations de cabanes pour bâtisseurs de sonorités nouvelles, où au milieu siège une parabole. Une cabine téléphonique sur laquelle est installée un rotor qui entraîne deux haut-parleurs. L’installation comprend un système sonore interactif qui fonctionne avec un poste téléphonique, similaire à ceux qui équipent les cabines téléphoniques de l’espace public des USA, et sur lequel est intégré un module de sampling et d’effets sonores. Son utilisation permet de diffuser des messages et de la musique, via le combiné et/ou un instrument de musique branché dessus. Ce sont ces deux biais qui sont convoqués ici : l'histoire et l'inventivité. L'exploitation de la machine par les humains, amener des imprévus et des O dans les 1 en codes musicaux, tel est le leitmotiv possible de ce premier postulat. Nul doute que Leonard de Vinci aurait été un expérimentateur musical de renom, en tirant le meilleur parti de modulaires pour constituer des dancefloors tant cérébraux que physiques.
A son retour de ce voyage, le directeur de l'Astrolabe imagine un projet de ce type en construction pour aller de pair avec la célébration des 500 ans de la Renaissance en Région Centre Val de Loire. L'aventure se poursuit en embarquant l'association Figures Libres de Vendôme. Les équipes définissent des envies, imaginent des possibilités, rêvent en somme. Comme une programmation, ils montent un puzzle, ou chaque pièce est censée répondre à cette question : quelle monture artistique peut mener à bien le projet fou de faire sonner et rendre vivante une cabine téléphonique ? Comment de ce matériau brut de ferraille peut-on fléchir vers du sensible ? Ensemble ils dressent une liste de possibles, en intégrant Lionel Laquerrière (membre de Geysir, ESB, musicien pour Yann Tiersen) en pilote pour une création double pour les festivals Hop Pop Hop et les Rockomotives.
Ces structures ont parmi leur point commun, un essentiel : l'ancrage territorial. Elles ont construit des projets culturels, des passerelles, des histoires sur leurs terres et ont fait valdinguer les murs des us et coutumes. A dispositif exceptionnel, système de débrouillardise normatif : les résidences se feront au sein d'un ancien musée du vin avec alambic toujours présent à Thoré la Rochette.
A l'instar d'un voyage de Dr Who, Lionel réunit alors des compagnons de traversée. Johann Guillon de Zero Gravity et d'Ez3kiel, dont les constructions telles des pyramides mélodiques et les univers sont ancrées dans nos imaginaires. Puis James P Honey, rappeur Anglais de chez Buriers, projet alternative-folk dont l'intensité explosait les frontières de la culture rap pour la propulser vers nos tripes et les ruelles Londoniennes semi-éclairées. Ces temps de création à la campagne, où la technologie a du prendre son temps, est également une réponse humaine. Pour construire une bande-son, il fallait avant tout que l’équipage se rencontre, vive, échange sur son propre vécu et ressenti face à la machine, mais aussi au monde. De réflexions en bord de Loire aux discussions autour du vin naturel local, des courses à la supérette coopérative aux rencontres de toute la faune artistique et associative du village, ce sont des points de convergence qui s'assemblent. Se nourrir des imprévus et de la folie créative de la commune.
La poésie brute qui illuminait les contre-jours de la campagne Thorésienne, c'était cette voix qu'il fallait au projet. Une rencontre de musiciens et surtout d'humains, plus qu'un simple groupe pour un projet qui navigue sur le côté des habitudes. Sortir des champs non balisés mais connus de leurs propres créations pour tenter. Le travail autour du texte est lui aussi bouleversé, James intégrant la cabine comme un allié, un être massif et protecteur avec qui converser. Loin d'être un gadget visuel (imposant de 320 kilos), elle est l'élément fantôme de Transmission : celle qui reçoit les signaux musicaux et permet de déformer des sonorités, instrument de parabole terrestre et textuel. Le combiné devenant micro, réceptacle des ondes musicales pour le cortex émotif des auditeur.rice.s. Les musiciens sont restés fidèles à leurs approches de la musique électronique et du spoken-word pour James, la cabine étant l’élément de langage, le liant de communication et non des boutons ajoutés pour des filtres. C'est un voyage industriel, un monstre apprivoisé.
Pour parachever l'abolition de la peur face à ce mastodonte, les différentes phases de création ont nécessité l’intervention de trois êtres de lumière et d'ombre supplémentaires. Benjamin Nérot, dit The Healthy Boy et son timbre rocailleux pour parachever le phare dans les ténèbres et enfin deux guides, des boussoles. Felix Classen du duo Lonki and Classen parsème de notes et d'ambiances les interludes de ce disque, tel de nouveaux repères. Il expérimente, tend vers la musique concrète pour entrer en connivence émotionnelle avec la machine. Et enfin Victor Neute, musicien de bagad et de pipe-band vient en milieu de disque sonner sa cornemuse pour convoquer les traditions ancestrales. Un appel des terres celtiques vers les astres, telle une balise supplée par la voix de James pour donner la place de choix à cette cabine de Transmission. Celle-ci est choyée, et de son statut de réceptacle des envies de déconstruction des habitudes de composition devient l'élément phare de ce disque de par sa présence à la fois lointaine et omnisciente, comme ce contre-jour où elle apparait éclatante sur la pochette pensée et dessinée par l'artiste Yoann Buffeteau. Contrairement à Hal 9000 dans 2001 Odyssée de l'Espace, aucun n'a cherché à sous-estimer le cœur et les ressentis de celle-ci, au contraire toute cette aventure fut ambitionnée avec elle en dernière comparse de voyage et non simple ustensile. Une communion entre les hommes et la machine pour un monde plus onirique et sensible qui aurait rendu sans nul doute heureux Jules Verne et bon nombre d'inventeur.rices. Puisse ce disque être une ode aux soirées de découvertes humaines, aux imprévus et prises de risques et idées saugrenues produisant du beau et de l'utile pour nos rêveries sans repère.