TONN3RR3 & BIKAY3
It's A Bomb
Nouvel album It's A Bomb de TONN3RR3 & BIKAY3 sortie le 10 novembre 2023 chez Born Bad Records !
La musique du congolais Bony Bikaye, il a longtemps fallu la chercher dans le purgatoire des "musiques du monde", lieu de tous les possibles, où les diamants bruts cohabitaient avec des cauchemars fades de blancs-becs qui congelaient la rumba façon poisson pané. Parfois, pêché plus subtil, ils la mettaient au menu alors que d’aucuns voulaient passer à autre chose. C’est le cas de Bikaye, qui grandit dans un bain de musique européenne, kiffe le Kraut, lutte avec le trad’, et vient chercher les embrouilles musicales à Bruxelles. Bony Bikaye y enregistrera plusieurs albums avec CY1 (Loizillon/Micheli), et quelques transfuges des "Tueurs de la lune de miel", produits par Hector Zazou.
C'est le trio TONN3RR3 qui reprend le flambeau pour construire avec lui ce disque qui annonce la couleur fièrement : "It’s a bomb". Pensé à la maison par Guillaume Gilles (compo/claviers), l’album a été fini au studio One Two Pass It, avec Olivier Viadero et Gaëlle Salomon aux percus, Yoann Dubaud (machines & basse) et Guillaume Loizillon (programmation synthés et entremetteur de cette affaire). C’est un disque profondément musical, joué par une équipe érudite mais qui n’a plus rien à prouver, ça s’entend. Sans attitude, le disque flotte bien au-dessus de la mêlée.
On est prévenus : "keba na butu", méfie-toi. Gaffe, oui : au-delà des plaisirs simples du soukouss, ou du riff de guitare rumba qui tourne comme un manège qui passe plus le contrôle technique, c’est la luxuriance totale des arrangements qui frappe. L’orchestre tout-puissant met tout le monde à l’amende dans un style décloisonné, avec un bel esprit de synthèse. Il y a du droit, du syncopé, de la 808, et les basses typiques qui font lever les genoux…mais ce n’est jamais le gloubiboulga : dans cette sono mondiale, il y a une vision.
Bikaye, renommé BIKAY3 pour l’occasion, s’amuse de sa voix bien tapée dont le vibrato fou s’est bonifié comme une prune des familles. Il la met au service - dans "Zela" et "Balobi" notamment - d’une flamboyance cabotine à la Screamin' Jay Hawkins. Bikaye aime bien jouer le chant, son plaisir de la langue va jusqu'au pur récit. Ainsi "La forêt et les dieux" est une excursion en français dans la brousse, qui avance sur un tapis moussu de synthés et de percus pour nous raconter d'une voix parlée-mouillée une cosmogonie géniale à dormir debout.
Le synthé de Guillaume Loizillon et la flûte de Nicole Mitchell complètent dans Akei cette promenade dans le "bush of ghosts " de Byrne/Eno, où ça jacte lingala ou kikongo."It's a bomb" rumba bâtarde, clôt le bal avec un rimshot qui claque comme une main fraiche sur une peau consentante.
Alors pour sûr, on vit un âge d'or, les reissues sortent en masse et satisfont notre désir de rattrapage scolaire du patrimoine musical de nos voisins, mais ne ratons pas le coche : c'est le moment ou jamais d'écouter la musique des vivants.